PARIS (AFP) - L'herbier du Muséum national d'histoire naturelle, le plus riche au monde avec son homologue britannique de Kew, va reverdir grâce à un important programme de modernisation et d'informatisation qui doit lui permettre de maîtriser le spectaculaire développement de ses collections.
Le majestueux bâtiment du Jardin des Plantes, construit dans les années trente, est depuis longtemps arrivé à saturation : conçu pour héberger au maximum 6 millions d'échantillons, il en abrite aujourd'hui 10 millions.
Ses trois galeries de 70 mètres abritent d'interminables rangées de casiers : 42.000 au total, tous pleins jusqu'à la gueule.
Le Muséum a reçu en don de nombreux herbiers dans les années 70, qui s'entassent dans les rares recoins disponibles, faute de place et de personnel suffisant pour les classer.
"Un vrai cadeau empoisonné", soupire Marc Pignal, le responsable de la botanique au Muséum. "Il faut incorporer toutes ces collections disparates. Actuellement, ce sont des +boîtes noires+ : on ne sait pas ce qu'il y a dedans", relève-t-il, en montrant de la main des piles de documents jaunis.
Les travaux, qui devraient débuter début 2008, permettront d'augmenter la capacité de stockage des lieux. On en profitera pour réorganiser les collections par grandes familles de plantes, alors qu'elles sont structurées depuis les origines sur une base géographique. Cette refonte s'accompagnera d'une poursuite des efforts d'informatisation des collections.
Ramasser des plantes dans la nature, les faire sécher sur une feuille de papier, y apposer une étiquette précisant les conditions de la cueillette peut apparaître délicieusement désuet. C'est pourtant encore aujourd'hui un pilier de la systémique (la classification des espèces), science revenue sous les feux des projecteurs avec la montée des préoccupations sur la biodiversité.
Les collections du Jardin des plantes contiennent 400.000 "types", ces planches étalons qui servent de référence aux scientifiques du monde entier pour définir une espèce et qui font foi en cas de controverse.
Professeur à la retraite et mémoire de l'herbier national, Gérard Aymonin estime que les collections parisiennes permettent de caractériser "la moitié, voire les deux-tiers" des 270.000 espèces de plantes à fleurs connues.
Le Muséum doit pouvoir répondre aux demandes de consultation que lui adressent les chercheurs. Et il se flatte d'y apporter une réponse positive dans "99% des cas", malgré l'aspect quelque peu "capharnaüm" des lieux.
La numérisation de la collection - avec un code-barre sur les planches - devrait faciliter la recherche des échantillons. Et leur photographie à très haute résolution, menée avec l'appui de mécènes étrangers, permettra leur consultation en ligne dans le monde entier.
800.000 documents sont désormais disponibles dans la base de données, dont 52.000 ont été photographiés. Une personne rodée parvenant à entrer jusqu'à 100 références par jour, il faudra encore bien des années pour terminer la numérisation de l'ensemble des collections...
Au Muséum, l'histoire naturelle rejoint souvent l'Histoire tout court. Les racines de l'herbier remontent à 1650, avec la collection de Joseph Pitton de Tournefort, botaniste au Jardin du roi. Le Muséum conserve tels quels plusieurs de ces herbiers historiques, souvent dans leurs cartonnages d'époque, pour l'éclairage qu'ils peuvent apporter sur la genèse de la pensée scientifique. Le musée parisien détient ainsi l'herbier "de Jean-Jacques Rousseau"... en fait acquis par le philosophe herboriste peu de temps avant sa mort.