CONCORDIA (AFP) - Plusieurs fois par jour, la couche d'ozone qui protège la Terre des rayonnements ultra-violets du Soleil est auscultée au-dessus du continent Antarctique par des scientifiques qui bravent des conditions climatiques inhumaines.Ballons, appareils Lidar (Light detection and ranging) ou Saoz (Système d'analyse par observation zénithale), observent l'évolution de ce gaz dans la stratosphère, entre le sol et 50 km d'altitude, à partir des bases française Dumont d'Urville et franco-italienne Concordia.
En 2006, le couperet est tombé : le trou dans la couche d'ozone a atteint fin septembre des niveaux record au-dessus du continent blanc, avec une surface de 29,5 millions de km2, selon l'Organisation météorologique mondiale (OMM).
Pourtant, "je ne suis pas pessimiste pour l'instant", affirme Jean-Pierre Pommereau, directeur de recherche au service d'aéronomie du Centre national de la Recherche scientifique (CNRS) à Verrières-le-Buisson (Essonne).
En effet, la disparition de la couche d'ozone a deux origines. Une chimique: la présence de deux gaz produits par l'activité industrielle de l'homme - chlore et brome -, et le froid.
Or, en 2006, l'hiver austral a été particulièrement froid dans la stratosphère, et sur une période assez longue. Les spécialistes estiment que le record de surface du trou est imputable à cette situation.
En effet, reconnaît Jean-Pierre Pommereau, "le chlore et le brome diminuent" depuis la mise en place des mesures décidées dans le traité de Montréal de 1987 sur les chlorofluorures de carbone (CFC - gaz d'aérosols et réfrigérants).
Donc, si les hivers ne sont pas trop froids et que les gaz nocifs disparaissent, la couche d'ozone se reconstituera définitivement.
Bien sûr, chlore et brome ne vont pas disparaître du jour au lendemain, ayant une durée de vie dans l'atmosphère de 80 ans. Mais les scientifiques sont désormais quasiment sûrs que la couche d'ozone reviendra à la normale. Vers 2065, prévoit l'OMM.
Romain Cormic, du service d'aéronomie de Jussieu (Université Paris VI), va s'occuper du Lidar et du Saoz au cours des prochains mois à Dumont d'Urville. "Ma mission, explique-t-il, est de mesurer l'ozone, ainsi que la densité des nuages stratosphériques en se focalisant sur la présence de chlore".
Claude Vialle, de l'Observatoire de Haute-Provence, met en place pour sa part une campagne de lâcher de ballons à partir de Concordia. Des capteurs mesureront l'ozone à différentes altitudes, jusqu'à une trentaine de kilomètres, pour "expliquer pourquoi sa quantité baisse".
Quant à Florence Goutail, ingénieur de recherche au service d'aéronomie du CNRS à Verrières-le-Buisson (Essonne), elle a installé en cette fin d'été austral un autre appareil Saoz à Concordia.
Il sera situé ainsi près du centre du vortex, le tourbillon polaire, où se forme le trou de la couche d'ozone, alors que le Saoz de Dumont d'Urville est placé à la bordure de ce vortex.
Chaque jour, matin et soir, cet appareil Saoz examinera jusqu'à 45 km d'altitude l'épaisseur de la couche d'ozone et des autres constituants tels que l'oxyde d'azote, qui reconstituent l'ozone à partir de l'oxygène.
Florence Goutail est optimiste sur la reconstitution de la couche d'ozone. A moins, note-t-elle, qu'un phénomène imprévisible comme le refroidissement de la stratosphère ne compromette les prévisions des spécialistes, ou que les bromes diminuent plus lentement que prévu.