ÉTATS-UNIS, Disgrâce d'un trublion de l'antenne

Don Imus, célèbre animateur de radio controversé aux Etats-Unis, vient d'être renvoyé de la chaîne qui l'employait pour cause de propos racistes. Tradition américaine, la radio poubelle a encore de beaux jours devant elle, mais touche ses limites, note The Independent.

Depuis près de trente ans, Don Imus amuse et choque les auditeurs de son émission de radio matinale avec un mélange si particulier d'entretiens politiques, de commentaires acerbes et de collectes de dons, par exemple pour les enfants cancéreux. Son objectif avoué : "Faire dire aux gens des choses qui leur gâcheront la vie."
Mais, dans un exemple classique de l'arroseur arrosé, Imus a finalement dit quelque chose qui, à défaut de gâcher sa vie, a ruiné sa carrière. Le couperet est tombé jeudi 12 avril dernier, lorsque CBS [le groupe média qui l'employait] a annoncé la suppression de son émission.
Tout est parti d'une remarque d'Imus, le 4 avril dernier, lors d'un match de basket-ball féminin du championnat universitaire national. Imus a qualifié les joueuses, majoritairement noires, de l'une des équipes sur le parquet de "putes aux cheveux crépus". On a immédiatement crié au scandale. Des militants comme le révérend Jesse Jackson et le révérend Al Sharpton ont exigé le renvoi de Don Imus.
En d'autres temps, ces propos seraient passés inaperçus. De fait, Imus s'est déjà livré à de nombreux commentaires déplacés et racistes à l'antenne. Mais, cette fois-ci, Imus a touché deux sujets sensibles d'un coup.
Tout d'abord, races et racisme prêtent toujours à la controverse aux Etats-Unis. Ensuite, les athlètes universitaires américains sont l'objet d'un culte difficile à comprendre pour les observateurs étrangers. En se livrant à des propos à la fois racistes et insultants envers des athlètes universitaires, Imus a signé son arrêt de mort.
Lors de l'annonce du retrait de l'émission, Leslie Moonves, président de CBS, a déclaré que les hauts responsables de l'entreprise avaient mené de larges consultations au cours des jours précédents. "Pendant des réunions avec des représentants issus des communautés blessées par les propos d'Imus, nous avons discuté des effets que peuvent avoir des paroles de ce genre sur les jeunes, notamment sur les jeunes femmes de couleur qui essaient de s'en sortir dans ce pays. Cette pensée a pesé lourd dans notre décision", a-t-il déclaré. Dans une note au personnel de CBS, il a ajouté que "Don Imus a prospéré grâce à une culture autorisant un certain niveau de propos politiquement incorrects qui blessent une grande partie de la population".
Dans un adieu tragi-comique comme seule l'Amérique sait les faire, Imus a transformé sa dernière émission à CBS en "radiothon" de quatre heures et demie en faveur de trois associations qu'il soutient.
L'avenir d'Imus – autrefois classé parmi les 25 personnalités américaines les plus influentes par Time Magazine – est plus qu'incertain. Toutefois, une chose est sûre : la demande pour des animateurs controversés est plus forte que jamais.
Howard Stern, autre trublion de l'antenne, a quitté la radio classique sous prétexte que ses commentaires – souvent offensants – étaient trop censurés par la direction de la chaîne. Au moment de son transfert sur la chaîne satellitaire Sirius Radio, son salaire est resté secret. Mais on sait que celle-ci a déboursé 500 millions de dollars pour s'offrir les services de Stern et de son équipe de production. La provocation peut vous faire virer – mais elle peut aussi rapporter gros.