C'est à la personnalité de Frantz Fanon qu'Avenpace Institution a choisi de consacrer sa première manifestation publique.
« Fanon anticolonial, Fanon postcolonial» a été donc l'intitulé du colloque organisé, hier, à Oran par Avenpace Institution, avec la participation de plusieurs chercheurs à l'instar de l'historien Mohamed Harbi, Claudine Chaulet ou encore Hamit Bozarslan.
Mohamed Harbi a été le premier à parler de Fanon dans une communication intitulée «le Fanonisme et le sujet de la révolution algérienne». Selon Harbi, quand on se penche sur le cas Fanon, la tâche qui s'impose c'est de voir le milieu algérien auquel l'homme s'est frotté mais aussi connaître l'itinéraire des gens qu'il a fréquenté.
Il s'agit également, selon le conférencier, de relever à travers cet itinéraire les affrontements qu'il y a eu au sein du mouvement national, notamment entre les différents groupements. Cela s'impose parce que Fanon prendra plus tard à son compte toute une interprétation de la vie des partis politiques avant 1954, a indiqué Mohamed Harbi qui estime, par ailleurs, impératif pour bien suivre Fanon, la reprise de la lecture des débats des classes animatrices du mouvement national de l'époque.
Dans son exposé, Harbi développera le concept de «populisme» qu'il perçoit dans le sens du rapport social avec le peuple et non dans le sens de mouvement populaire ou des personnalités charismatiques. Préférant la notion de populisme à celle de peuple, tant cette dernière peut revêtir plusieurs sens, l'orateur a indiqué que le populisme a engendré un certain nombre d'argumentaires et de pratiques politiques qui ont duré pendant longtemps. Parmi ces argumentaires, Harbi évoquera la réhabilitation du peuple en l'idéalisant. «Le peuple était le sujet absolu dans l'histoire. On lui prêtait toutes les qualités. Essayer de le voir comme il était réellement avec toutes les situations d'oppression et l'inculture qu'il pouvait engendrer était rarement accepté». Harbi évoquera, néanmoins, le messalisme qui a mené, a-t-il dit, une grande bataille contre une partie de l'élite francophone et contre les ouléma pour faire accepter des gens du commun dans la scène politique. «S'il y a un hommage à rendre aujourd'hui au PPA c'est d'avoir imposé l'entrée des classes populaires dans la vie politique», a-t-il indiqué. Le populisme selon Harbi est aussi un populisme intellectuel qui s'est exprimé essentiellement d'une manière claire dans la région de la Kabylie. L'historien note cela car, a-t-il dit, Fanon a beaucoup fréquenté ce milieu. Il a fréquenté un des hommes qui ont le plus influé sur lui, en l'occurrence Omar Ousseddik qui a été un acteur dans le parti du peuple algérien avant de rejoindre, plus tard, l'armée de libération nationale.
En France, l'oeuvre fanonienne ne peut qu'embarraser. Elle y est conjurée à moyen de formules exécratoires, l'assimilant aux errements et aux échecs du tiers-mondisme. L'Algérie, elle non plus, n'a jamais su quoi faire de son oeuvre sauf à la célébrer officiellement. C'est aux Etats-Unis et en Grande Bretagne que Fanon est devenu une figure académique emblématique de la vie intellectuelle.
Le Quotidien D'Oran