Quelle relation franco-algérienne pour les cinq ans à venir ?
Hypothétique, la question l'est à l'évidence. Comme elle l'a, du reste, souvent été au gré des alternances à l'Elysée.
Le 17 mai, Jacques Chirac remettra clés et dossiers de l'Elysée à Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal. A l'heure de la passation, bien malin qui pourrait anticiper, ne serait-ce que par hypothèse, sur la relation bilatérale version 2007-2012.
Selon une tradition très française, le débat électoral fait peu de place à la diplomatie. Ici, à contre-courant d'une passion chère aux Etats-Unis, les discussions autour des enjeux diplomatiques de la France se réduisent à la portion congrue. Pas de confrontations, ni d'exposés exhaustifs sur le sujet.
Au mieux, quelques éléments de réponse noyés dans la masse des thèmes locaux. Hubert Vedrine, patron de la diplomatie lors de la dernière cohabitation (1997-2002), ne s'en est pas caché lors d'un récent débat avec la presse arabe. Jamais, la politique étrangère n'a été au coeur de la campagne présidentielle française. Au point d'arracher des chapitres entiers des programmes des candidats. Ou de meubler, à des heures de grande écoute, les talk-show les plus prisés de la grille télévisuelle française.
Au moyen de tribune libre, des spécialistes ont essayé d'attirer la campagne sur le terrain diplomatique. Mais leurs tentatives n'ont pas obtenu l'objectif escompté. Il y a une semaine, à un jet de pierre du 1er tour, Le Monde a obtenu des trois premiers prétendants à l'Elysée - Sarkozy, Royal, Bayrou - qu'ils s'expriment sur leurs visions du monde.
Centrées sur quelques questions de l'heure - Iran, Corée, Europe, relations transatlantiques, leurs réponses ont laissé nombre de lecteurs sur leur faim. Du moins ceux, nombreux, désireux d'en savoir plus sur la relation de Paris avec leur pays. Ainsi de la relation franco-algérienne. En dehors de quelques déclarations à la teneur somme toute générale, les familiers du dossier ne cachent pas leur perplexité.
Faute de feuille de route ou d'orientation générale définie par les candidats, la relation bilatérale à l'épreuve du prochain quinquennat souffre de lisibilité. Et suscite bien des questions dont la plus récurrente concerne le sort du traité d'amitié. Annoncé en grande pompe au printemps 2004, ce chantier semblait avoir atteint un point de non-retour. En témoigne à postériori la tenue, en pleine canicule, d'un conseil interministériel exclusivement dédié à la relation bilatérale. Qui plus est dans le bureau des ambassadeurs de l'Elysée sous la présidence de Chirac.
Dans le même temps à Alger, Bouteflika pressait les membres du gouvernement Ouyahia de hâter les négociations sur leurs dossiers respectifs avec leurs homologues français. La lune de miel était telle qu'à Paris, diplomates algériens et français n'excluaient pas un paraphe du texte fin 2004, début 2005 au plus tard. On connaît la suite. Au lieu du traité d'amitié, c'est une loi hexagonale - celle du 23 février 2005 - qui a cristallisé négativement l'actualité bilatérale.
Chirac parti de l'Elysée sans l'avoir mené à bon port, le traité parait compromis. Par la voix de ses proches dont son conseiller spécial Jack Lang, Ségolène Royal s'est dite attachée à une relation restaurée et féconde avec l'Algérie. Mais elle s'est gardée de s'attarder sur la faisabilité du traité d'amitié.
Plus prolixe que son adversaire sur la relation franco-algérienne, Nicolas Sarkozy a soufflé le chaud et le froid. En l'espace d'un petit trimestre, son discours a alterné entre plaidoyers en faveur de projets lourds et reniements de chantiers voulus par Chirac. Sans que personne ne s'y attende, il a préconisé une coopération bilatérale dans le nucléaire civil, suggéré un partenariat entre Gaz de France et Sonatrach.
La semaine dernière, alors que la campagne officielle touchait à sa fin, il affirmait, dans un courrier aux associations rapatriées, qu'il ne voulait plus d'un traité d'amitié. De quoi nourrir les interrogations sur le devenir des relations entre Paris et Alger en cas d'arrivée du président de l'UMP à l'Elysée.