LONDRES (Reuters) - EMI est devenue lundi la première grande maison de disques à abandonner les DRM, mais ses concurrents à l'affût et disposant d'un catalogue plus riche, pourraient mieux profiter de la nouvelle donne, en cas de succès, estiment mardi des analystes.
Les DRM (Digital Rights Management) sont des systèmes de gestion des droits numériques imposés par les maisons de disques sur les morceaux de musique vendus en ligne, afin d'empêcher leur reproduction ou leur transfert vers d'autres utilisateurs.
Selon l'industrie musicale, les DRM sont censés combattre le piratage mais pour le consommateur, ces systèmes imposent surtout nombre de restrictions qui affectent les ventes des sites légaux.
En réponse à ces objections, EMI, qui a déjà émis deux avertissements sur ses résultats cette année, a donc décidé lundi de proposer à Apple et aux disquaires en ligne un catalogue musical débarrassé des DRM avec un encodage de meilleure qualité.
Apple va vendre ainsi sur iTunes des chansons déverrouillées et encodées en 256 kb/s au format AAC pour 1,29 euro l'unité contre 0,99 euro pour la version avec DRM. Le prix des albums demeurera en revanche inchangé avec ou sans DRM.
EMI SOUS PRESSION
Selon une source industrielle, si les autres labels musicaux vont observer avec attention ce mouvement, EMI est surtout confronté à l'absence d'albums phares, ce qui minimise la portée du succès éventuel de cette nouvelle stratégie.
"Vous devez d'abord avoir les titres que les gens veulent acheter, ensuite vous pouvez regarder la plateforme et opter pour les DRM ou non", a déclaré la source.
Mark Mulligan, analyste au cabinet Jupiter, estime cependant que la décision d'EMI va modifier complètement le jeu et s'attend à voir les autres labels suivrent le mouvement.
"C'est une chose que tous les labels devront prendre en compte (...) en raison de l'état global du marché. Mais EMI est plus touché qu'aucun autre",ajoute-t-il.
"Il n'est pas adossé à une grand groupe et n'est pas très présent sur le marché américain. Il lui faut donc innover. Il veut être en tête du virage", estime l'analyste.
Warner Music Group et Vivendi Universal Music, qui effectuent toujours des tests sur la musique déverrouillée, ont déclaré qu'ils ne voyaient pour l'instant aucune logique à l'abandon des DRM.
PLUS DE REVENUS
Pour Patrick Yau, analyste chez Bridgewell, la décision d'EMI va lui permettre d'accroître ses revenus.
"EMI a déclaré qu'il voulait tirer 25% de ses revenus de la vente de musique en ligne d'ici 2010 et nous pensons que cette décision va agir comme un coup d'accélérateur par rapport à cet objectif", a-t-il déclaré.
Si des accords sont conclus avec Napster ou Rhapsody, les titres déverrouillés d'EMI téléchargés sur ces plateformes pourraient être lues sur des millions d'iPod, ce qui devrait donner un coup de fouet à la fois aux sites de ventes en ligne et à la maison de disques britannique.
Les analystes estiment également qu'Apple sera un des grands bénéficiaires de la nouvelle donne car le groupe californien était sous la pression des associations de consommateurs et de la Commission européenne qui lui reprochaient l'absence de compatibilité d'iTunes avec les autres lecteurs du marché.
Steve Jobs, le directeur général d'Apple, estime de son côté que le groupe à la pomme n'est pas intéressé par les clients potentiels des autres sites de musique mais cherche surtout à concevoir les meilleurs appareils possibles.
"La plupart des récents succès d'Apple ont été obtenus en se focalisant sur les appareils capables de gérer au mieux les contenus numériques afin d'amener les utilisateurs à un niveau de satisfaction supérieur", ont déclaré pour leur part les analystes du cabinet Ovum. "Télécharger de la musique sans DRM est ainsi une situation gagnant-gagnant pour Apple".
Mer 4 Avr - 1:36