IRAK • Un jour noir, un de plus

Destruction d'un pont qui reliait les deux principaux quartiers chiites et sunnites de Bagdad, attentat meurtrier dans la cafétéria du Parlement, accrochage entre les députés, luttes sanglantes entre Al-Qaida et les groupes irakiens armés, enfin menace turque d'intervention militaire dans le kurdistan irakien. Tout va de mal en pis.







Le pont Al-Sarafiya de Bagdad, 12 avril 2007
AFP

A sa neuvième semaine, le plan de sécurisation de Bagdad vient de subir deux revers douloureux. Le premier par le bombardement du pont vieux pont Al-Sarafiya, le second par un attentat suicide commis dans la cafétéria du Parlement, faisant huit morts, parmi lesquels trois députés et trente blessés, dont certains graves. Les députés morts sont deux sunnites et un chiite. L'attentat aurait été l'œuvre d'un garde du corps d'un député sunnite. Dans le même temps, l'organisation Al-Qaida a menacé d'égorger tous ceux qui se dressent contre elle parmi les partis, les hommes politiques et les autres groupes armés. De son côté, la Turquie a provoqué l'inquiétude dans le Nord irakien en faisant planer la possibilité d'envahir le Kurdistan irakien.

Le pont Al-Sarafiya comptait parmi les constructions les plus symboliques de la ville. Construit par les Anglais dans les années 1940, il reliait les deux quartiers Al-Adhamiya et Al-Kazimiya situés de part et d'autre du Tigre, l'un sunnite, l'autre chiite. Pour beaucoup d'Irakiens, sa destruction vise à couper tout lien entre ces deux grandes communautés. Au milieu des cris de colère des habitants dans les deux quartiers, des témoins expliquent que des jeunes des deux côtés se sont précipités pour sauver près de dix personnes des eaux du fleuve. Cela n'a pas empêché quatre autres de se noyer, huit autres étant morts dans l'explosion proprement dite et vingt-deux blessés. Selon la police irakienne, la voiture piégée n'a pas été la seule cause de l'effondrement du pont puisque l'une des poutres aurait également été dynamitée. Le président du Parlement Mahmoud Machhadani a mis en doute la véracité de la version officielle des faits et a parlé d'un complot visant à diviser la ville entre les deux rives du Tigre. Il a demandé des explications aux forces de l'ordre sur le fait qu'elles aient fermé le pont à la circulation une heure avant l'explosion.

En signe de protestation contre les instigateurs de l'attentat au Parlement, des députés ont exigé une session extraordinaire. Selon des témoins, ils se sont violemment rejeté la responsabilité de l'attentat l'un sur l'autre. De son côté, Al-Qaida a menacé d'égorger ses adversaires. Abou Souleyman Al-Utaybi, qui se présente lui-même comme le "juge de l'Etat islamique d'Irak", a fait allusion dans un message audiovisuel aux différends qui sont apparus dernièrement entre Al-Qaida et d'autres groupes armés irakiens : "Nous couperons des mains et briserons les cous ! "De son côté, le porte-parole de l'Armée islamique Ibrahim Al-Chamri a évoqué dans un entretien télévisé mercredi dernier la possibilité d'accepter des négociations avec les Américains via une médiation russe, turque ou européenne, tout en affirmant qu'Al-Qaida exécutait les militants des autres groupes armés.

Quant au Kurdistan, l'inquiétude y règne depuis que le chef d'état-major turc, le général Yasar Büyükanit a parlé d'une possible invasion de la région. Selon lui, l'armée se tient prête à lancer une attaque contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Tout en assurant qu'une telle décision ne pouvait être prise que par les politiques et en respectant la légalité internationale, il a estimé qu'une telle opération serait "très utile".


Mushreq Abbas