MONTREAL (AFP) - Le piratage des films est en pleine expansion au Canada, alimentant les marchés internationaux et ulcérant les grands studios de Hollywood qui comptabilisent leurs pertes par millions.La Chine et la Russie posent "le plus de problèmes à l'industrie du droit d'auteur", mais "le problème de l'enregistrement non autorisé de films (camcording) dans les cinémas au Canada frôle la crise".
Ce constat a été fait cette semaine par l'Alliance internationale pour la propriété intellectuelle (IIPA), un groupe de pression financé par l'industrie américaine du droit d'auteur, la plus importante au monde, dans une lettre envoyée à la représentante américaine au Commerce, Susan Schwab.
L'Alliance, qui accuse le Canada de ne pas protéger suffisamment les droits d'auteur, demande aux autorités américaines de mettre le voisin canadien sur la "liste de surveillance prioritaire" des pays fautifs dans ce domaine aux côtés de la Chine, de la Russie et de l'Inde.
"En 2005 on estimait qu'environ 20% des films piratés sur le marché mondial provenaient du Canada, et un bon pourcentage de Montréal", estime Serge Corriveau, enquêteur pour l'Association canadienne des distributeurs de films, une antenne des grands studios hollywoodiens.
Ceux-ci chiffrent à plus de 6,1 milliards de dollars les pertes qu'ils subissent annuellement à cause du piratage de leurs films dans le monde.
"Les +blockbusters+ (films à grand succès) attirent toujours les pirates, mais au cours des dernières années au-delà de 200 films ont été enregistrés (au Canada) et ils se sont retrouvés dans 45 pays", assure M. Corriveau.
L'industrie dénonce le "laxisme" des lois canadiennes en matière de lutte contre le piratage de films. Alors qu'aux Etats-Unis, l'acte de filmer au cinéma est un crime dans plusieurs Etats, dont la Californie, il n'en est rien au Canada.
Certes, une personne prise en flagrant délit de filmer dans un cinéma peut y être poursuivie au civil par le propriétaire de la salle, le distributeur ou le studio. Mais pour que des accusations criminelles soient portées contre cette personne, la police doit prouver qu'elle avait l'intention de distribuer le film.
"Pour prouver l'intention, ça demande plus de preuves. Il ne s'agit pas de voir quelqu'un filmer dans un cinéma, il faut accumuler des preuves afin d'avoir un mandat de perquisition, par exemple, pour aller fouiller dans son ordinateur. Ce n'est pas facile", explique Helaine Lavergne, porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Devant ce quasi-vide juridique, des propriétaires de salle se font justice eux-mêmes. Lors de premières à Montréal, qualifiée dans l'industrie de "capitale canadienne du piratage", certains cinémas utilisent des détecteurs de métal à l'entrée afin de décourager les pirates potentiels. La direction d'une chaîne de "méga-cinéma" est même allée jusqu'à interdire l'entrée à de présumés pirates.
Et si Hollywood perd de gros sous dans cette histoire, des adeptes du piratage n'en font pas pour autant leurs choux gras.
"Il y a tellement de gens qui le font de nos jours. Ce n'est pas vrai que les pirates font tous de l'argent avec ça (...), on fait ça pour le plaisir, pour regarder les films chez nous. On le fait aussi un peu pour emmerder les studios américains. Ils ne sont pas à plaindre, ils ne manquent pas d'argent", se vantaient récemment deux pirates déclarés au Journal de Montréal.